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La crise de milieu de carrière: mythe ou réalité?

La crise de milieu de carrière se manifeste souvent au même moment et pour les mêmes raisons que la crise de la quarantaine. Mais tandis que la seconde est désormais stigmatisée (en partie sous l’influence du cinéma et de la littérature), la première fait l’objet de réflexions plus ou moins approfondies visant à l’éviter.

Et si la crise de milieu de carrière était au contraire vécue par ceux qui la traversent et par les entreprises qui la subissent comme une étape normale que l’on peut mettre à profit ?

Cet article vous présente quelques conseils pour gérer la crise de milieu de carrière en entreprise. Il vous embarque dans un court voyage à la découverte d’un sujet sensible que nous vous invitons à aborder sans préjugés, quel que soit votre âge.


1. Une crise prévisible au cours des 5 phases de la carrière

Une crise est souvent considérée comme un événement soudain et imprévisible. 

Et dans de nombreuses situations, c’est effectivement le cas : la crise vient rompre un équilibre et produire de nouveaux scénarios, souvent négatifs, qui doivent être abordés avec les bons outils. Or, précisément en raison de l’imprévisibilité à l’origine de ces scénarios, les bons outils ne sont pas toujours immédiatement disponibles.

Contrairement aux « autres crises », la crise de milieu de carrière a un côté rassurant : dans la cartographie d’un parcours professionnel « moyen », elle est presque toujours prise en considération, avant même de se produire. 

Cette anticipation de la crise n’est pas due à un quelconque don de voyance : elle est le fruit d’une série d’enquêtes prédictives basées, le plus souvent, sur l’examen empirique des expériences – personnelles et professionnelles – de nombreux actifs. 

Le fait de savoir qu’une crise se produira (presque) à coup sûr permet de s’équiper afin de l’affronter au mieux, de s’y préparer, dans la limite du possible.

Pour comprendre pourquoi la crise est en quelque sorte un passage obligé, il faut d’abord la resituer parmi les cinq phases de la vie professionnelle :


  1. La croissance, au sens d’évolution, non seulement professionnelle, mais surtout « personnelle », humaine.
  2. L’exploration, c’est-à-dire la phase d’éducation et de formation, ainsi que l’entrée dans la vie active et la socialisation qui en découle 
  3. La consolidation : les compétences, fonctions et relations se stabilisent. La personne acquiert un statut qui lui permet d’être facilement identifiée.
  4. Le maintien ou la crise : nous y voilà ! La crise survient précisément lorsque nous avons le sentiment que ce que nous avons accompli ne nous suffit plus ou ne correspond plus à nos besoins et nos attentes. Quand elle ne débouche pas sur un effondrement (et nous souhaitons que ce ne soit jamais le cas), la crise est suivie de ce que l’on appelle un « réexamen », une période consacrée à la recherche et à la découverte de nouvelles voies ou de nouvelles façons d’apprécier la voie déjà empruntée.
  5. Le désengagement : il touche tout le monde (à de rares exceptions près) et consiste à s’éloigner du travail, pour diverses raisons, au premier rang desquelles l’âge qui coïncide avec un motif social, la retraite. 

2. Comment faire face à la crise (de milieu de carrière) en temps de crise (généralisée)

Parler de crise de milieu de carrière au moment historique que nous vivons peut porter à sourire : c’est un peu comme regarder le doigt à la place de la lune. Dans le même temps, ignorer un phénomène qui existe de toute façon, quoi qu’il arrive (pandémies, guerres, menaces d’austérité), mettrait encore plus en péril le bien-être des personnes, ainsi que celui des entreprises.

On a beaucoup entendu parler de la Grande Démission, ce phénomène de démissions en masse qui touche tous les pays et tous les secteurs et qui, pour l’essentiel, concerne les personnes qui se trouvent « en milieu » de carrière.

Un élément de complexité semble être venu s’ajouter à la crise « traditionnelle » de milieu de carrière : la crise globale affecte non seulement le quotidien des personnes, mais aussi leurs attentes, leurs désirs, leur perception de l’avenir. Et bien entendu, cela change complètement la donne.

Tandis qu’il y a encore quelques années, nous savions qu’à un moment donné de la partie, les cartes maîtresses seraient distribuées, il est aujourd’hui difficile de prédire quelle main nous allons piocher, même lorsque nous savons compter les cartes.

C’est dans ce contexte complexe et varié que les entreprises, et plus particulièrement les RH, doivent s’efforcer d’accueillir le moment de la crise, si possible en l’anticipant, et aider leurs salariés à y faire face.

Dans cette situation, il peut être utile de suivre un processus par étapes :


  • Analyser le parcours

Tout d’abord : qui sont principalement les professionnels en crise ? Il s’agit surtout de profils occupant des fonctions intermédiaires ou supérieures et portant un regard empreint de regret sur leur passé. Au lieu de se concentrer sur les éléments concrets du présent, ils conçoivent leur vie professionnelle de manière abstraite : ils la réduisent à des occasions manquées et se focalisent sur les micro-événements qui ont déterminé leur parcours (comme on le voit au cinéma). Ils repensent à ce qui s’est produit (ou non), où cela les a amenés, ce qui aurait été possible. 

La première étape pour accompagner ces professionnels en crise consiste donc à leur apporter un soutien sous la forme d’un bilan structuré, mais non intrusif ; guidé, mais objectif. 


  • Se concentrer sur les éléments concrets

Dans ce type de situations, l’abstraction peut virer à la critique. Il faut au contraire aborder la situation de manière concrète et pragmatique, détailler chaque élément et être spécifique. En pratique, la crise de milieu de carrière doit être décomposée en micro-problèmes : quelles sont les composantes (activités, relations, responsabilités, etc.) qui ne sont plus « supportables » ? Isoler chaque problème permet d’identifier des solutions, à court et à long terme. 


  • Encourager l’expression

S’il ne faut pas attendre une crise pour favoriser la communication interpersonnelle en entreprise, inviter à partager les attentes, les problèmes et les points de vue est un excellent moyen de démêler les nœuds, de trouver de nouvelles issues et d’apporter un soutien dans la résolution des problèmes.


  • Miser sur la formation

Il arrive souvent que les personnes en crise se sentent enfermées dans une fonction (ou une entreprise) pour laquelle elles donnent beaucoup, mais qui ne leur apporte pas grand-chose en retour. Il s’agit donc de les amener à voir les choses sous un autre angle, et d’intégrer et de diversifier les savoir-faire et compétences, surtout quand cela ne semble plus nécessaire du fait de l’ancienneté ou de la mission poursuivie.

Dans ce contexte, offrir la possibilité de se former est un excellent moyen de permettre à ceux qui ont l’impression d’étouffer de prendre une bouffée d’air. La formation ne permet pas seulement d’« ajouter des compétences », elle ouvre la voie à de nouvelles façons de penser et d’aborder son travail.


  • Normaliser le caractère « épisodique » de la vie professionnelle

La crise (générale) nous l’a appris, la Grande Démission le confirme : le schéma dans lequel nous évoluons n’est pas (n’est plus) linéaire, mais épisodique. Toute personne travaillant dans les RH doit prendre acte de cette nouvelle normalité : il sera de plus en plus fréquent de chercher et d’exploiter de nouveaux axes (en soi ou dans son environnement) afin de faire pivoter sa carrière.

3. La crise de milieu de carrière : un portrait-robot 

Maintenant que nous avons évoqué comment aborder concrètement la crise de milieu de carrière, examinons de plus près de quoi il s’agit. Comme pour chaque chose, afin d’affronter au mieux cette crise, il faut d’abord comprendre en quoi elle consiste et quelles en sont les origines. 

Nous vous la présentons donc comme s’il s’agissait d’une personne. Nous vous expliquons d’où elle vient, quel âge elle a (eh oui) et comment la reconnaître si vous ne l’avez jamais rencontrée auparavant. Nous vous prodiguons également quelques conseils sur la manière de la gérer.

D’où vient la crise

C’est en 1965 que le psychanalyste Elliot Jaques a inventé l’expression « crise de la quarantaine ». Il ne faisait pas référence à ses patients de 40-50 ans qui s’engageaient dans des aventures extraconjugales pour combattre un prétendu ennui dans leur couple (le fameux cliché), mais à la phase de déclin créatif qui frappe depuis toujours les hommes et les femmes à mi-parcours de leur vie. En prenant l’exemple de Michel-Ange et de Gauguin, Elliot Jacques a montré que même les « génies » connaissent des moments de confusion, de crise.

Dans les années 1960, il a été l’un des premiers à parler de cailloux dans les chaussures d’hommes (en majorité) et de femmes qui, à un moment donné, avaient l’impression que le bonheur leur échappait. Plusieurs décennies plus tard, les recherches sur la satisfaction dans la vie sont devenues centrales pour comprendre les choix personnels et professionnels des individus. 

En 2008, deux économistes, David Blanchflower et Andrew Oswald, ont formalisé la courbe en U (U-Shape) de notre existence à tous (ou presque). Il s’agit d’une mesure du bonheur et de la satisfaction : la courbe se situe à un niveau élevé entre 20 et 40 ans, moment auquel elle se stabilise (rappelez-vous les différentes phases de la carrière présentées plus haut) ; puis elle amorce une descente inexorable qui s’inverse seulement à un âge avancé. 

En résumé, on est plus heureux en vieillissant qu’à 45 ans.

Quel âge a la crise

Le point de rupture qui marque l’entrée dans la crise de la quarantaine, et donc la crise de milieu de carrière, est précisément la phase descendante de la courbe : le mal-être qui se manifeste n’est pas le fruit de notre environnement, mais de la perception que nous en avons. 

Études et recherches à l’appui, il apparaît clairement que quelque chose change en nous à ce stade de la vie ; et si notre travail, nos relations et notre quotidien ne changent pas avec nous, l’insatisfaction s’installe et nous plonge dans la crise.

Il est difficile de déterminer l’âge exact de la crise de milieu de carrière : en premier lieu parce que chaque personne connaît des évolutions et des involutions différentes, à la fois dans la forme et dans le temps. En second lieu parce que le contexte (social, économique, culturel) dans lequel une personne évolue joue également un rôle sur le moment où le malaise intervient.

Il y a toutefois un consensus pour situer cette « confusion » dans la décennie comprise entre 40 et 50 ans (à quelques mois près). On constate en effet qu’au-delà du parcours professionnel, des opportunités rencontrées en chemin et de ce qui s’est concrétisé, c’est à cet âge que l’on commence à regarder en arrière, avec un recul craintif, et à afficher des regrets et des remords

Les chercheurs l’ont qualifié de moment « philosophique ». Des questions du type « et si j’avais accepté cet autre emploi à la place de celui-ci ? » ou « où en serais-je aujourd’hui si j’avais étudié ce qui me passionnait vraiment ? » sont fréquentes. 

L’individu aimerait savoir quelle aurait été sa vie s’il avait fait des choix différents, et la frustration de ne pas pouvoir en connaître les détails crée irrémédiablement un malaise.

À quoi ressemble la crise 

De l’attention aux éléments concrets – une attitude que nous adoptons inconsciemment au quotidien – nous passons à l’abstraction. Nous réduisons notre vie professionnelle à des formules génériques (« ce n’est plus ce dont j’ai envie ») ou pire encore, à des doutes (« est-ce vraiment encore ce que je désire ? »). 

« Je lâche tout et je pars élever des chèvres dans le Larzac » est l’exemple type d’une phase qui a été banalisée (et dont le cinéma s’est également saisi). Lorsqu’elle est traduite en acte, cette phase conduit à renoncer à tout ce que l’on a construit professionnellement jusqu’alors, au profit d’un seul et unique objectif, le bien-être personnel.

Ceux qui ont souffert de la crise de milieu de carrière (on retrouve une histoire très révélatrice à ce sujet ici), déclarent que le vrai problème n’est souvent pas le passé (après tout, accepter ce que l’on ne peut changer est, à terme, relativement simple), mais le caractère en apparence inéluctable du présent.

Kieran Setiya, professeur au Département de linguistique et de philosophie du MIT et auteur de l’ouvrage « Midlife: a philosophical guide », a parlé de sa propre crise en ces termes : « [...] pour moi, la plus grande source de mal-être au milieu de ma carrière n’était pas le regret du passé, mais le sentiment de futilité que le présent générait en moi ». 

Comment affronter la crise

La plupart des conseils donnés pour faire face à la crise de milieu de carrière placent la personne au centre – évidemment. Bien qu’il s’agisse là d’une excellente façon d’aborder le problème, cela conduit à négliger l’infrastructure de soutien qui est (ou devrait être) en place autour du salarié.

C’est pourquoi nous intégrons dans ce dernier paragraphe quelques conseils à l’attention des professionnels des ressources humaines, afin de leur rappeler que leurs collaborateurs doivent toujours être soutenus, aussi bien quand ils sont au sommet de la courbe en U que lorsque s’amorce la fatidique « décennie descendante ».

Sans tomber dans les lieux communs, il est intéressant de souligner que « faire une pause » dans ses responsabilités professionnelles (on entend de plus en plus parler de « congé de respiration ») est non seulement l’un des conseils les plus fréquents (Internet en regorge), mais aussi une possibilité qui est formellement prise en compte à l’heure actuelle, et parfois proposée.

C’est ce qu’a d’ailleurs fait LinkedIn début 2022 avec le lancement de LinkedIn Career Break, qui offre à l’utilisateur la possibilité de formaliser et de contextualiser dans son profil les pauses professionnelles qu’il a souhaité (ou dû) prendre. 

Au-delà de permettre aux recruteurs d’avoir directement accès à des informations plus réalistes sur le parcours professionnel des candidats potentiels, cela élimine la stigmatisation de l’« inactivité » en invitant à considérer comment une difficulté, telle qu’un mal-être en milieu de carrière, peut être résolue grâce à un temps d’arrêt.

4. Conclusion

Nous concluons ce voyage en immersion dans la crise de milieu de carrière par une question (qui s’apparente davantage à une provocation) : et si l’entreprise fournissait elle-même – en anticipant les besoins – les axes pour faire pivoter la carrière de ses salariés ? Nous faisons ici référence aux différentes phases de la carrière évoquées précédemment.

Actuellement, les Millennials sont les chefs de file d’une révolution copernicienne dans la manière d’aborder leur carrière : ils préfèrent passer d’une entreprise et d’un poste à un autre plutôt que d’évoluer à l’intérieur d’un même environnement de travail. On peut toutefois aisément supposer que cette façon d’agir s’étendra bientôt à toutes les générations, des plus expérimentées aux plus novices.

Pour inverser la tendance, ne serait-il pas utile de prévenir le besoin de changer d’emploi ou d’entreprise en anticipant les étapes importantes de développement et de croissance professionnels des individus à des moments clés de leur vie ? 

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