Dix secondes suffisent pour émettre un premier jugement sur une personne que l’on n’avait jamais rencontrée : c’est ce que montrent les études.
La première impression est primordiale et ses effets concernent tous les aspects de la vie, y compris professionnelle.
C’est là qu’intervient la « perception de soi », c’est-à-dire la façon dont une personne se perçoit : lorsqu’il existe un décalage entre la perception de soi d’un candidat et ses capacités réelles, il peut donner une image faussée de lui-même, parfois en toute bonne foi.
Il est donc impératif qu’en tant que responsable RH, vous alliez puiser dans votre empathie caractéristique pour détecter quand cela se produit chez le candidat qui se trouve en face de vous.
Comment ? Nous vous proposons une analyse.
La manière dont une personne se perçoit, aussi appelée « conscience de soi » ou « perception de soi », est l’iamage qu’une personne a de ses forces et de ses faiblesses, et le jugement qu’elle porte sur ces caractéristiques.
Mais comme l’on peut s’y attendre, cette perception de soi s’écarte souvent des qualités réelles de la personne, qui renvoie à l’extérieur une image d’elle-même inauthentique.
Concernant les candidats en phase de sélection, il peut être préjudiciable de se laisser « avoir » par une fausse attitude.
Si les recruteurs ont désormais bien compris qu’ils ne doivent pas seulement évaluer le savoir-faire du candidat en phase d’entretien mais également son savoir-être, il est intéressant d’aller encore plus loin : les RH doivent aussi considérer la possibilité que le candidat soit sincèrement convaincu d’avoir des qualités différentes de celles qu’il possède réellement.
Par conséquent, on ne peut pas se fier uniquement à ce que raconte ou communique à première vue la personne qui se tient en face de nous pendant l’entretien.
C’est la raison pour laquelle la tâche du RH n’a rien d’évident : il doit parvenir à voir au-delà de la façade présentée par son interlocuteur et déceler correctement ses compétences réelles. C’est ainsi qu’il pourra identifier son véritable potentiel.
Examinons cela plus en détail.
1.1 La perception de soi chez les hommes et les femmes
Une étude citée dans la Harvard Business Review et menée sur des étudiants de MBA âgés de 30 ans en moyenne et possédant environ six ans et demi d’expérience professionnelle, s’est intéressée à la façon dont les hommes et les femmes réagissaient aux avis et remarques d’autrui sur leurs capacités de leadership.
Les retours que nous recevons des autres constituent en effet un bon moyen de comparer leur point de vue avec la façon dont nous nous percevons nous-mêmes et de pouvoir réajuster notre regard.
Il s’est avéré que les femmes alignaient plus rapidement leur perception d’elles-mêmes sur celle de leurs collègues. Inversement les hommes, qui avaient d’abord jugé que leurs qualités de leaders étaient élevées, ont maintenu ce jugement après avoir reçu des remarques.
Concrètement, les femmes sont davantage influencées par les autres : elles font preuve d’une plus grande réceptivité au contexte social et d’une plus grande capacité à se remettre en question ; inversement, les hommes ont tendance à se surestimer par rapport au jugement des autres, et préservent ainsi efficacement leur confiance en eux.
Il ressort ainsi de l’étude que chaque profil possède son lot de points positifs et négatifs :
Si l’on met de côté la question du genre, on peut considérer de façon plus générale que les personnes plus enclines à écouter l’avis des autres pourront avoir moins confiance en elles, mais elles chercheront à s’améliorer constamment et seront plus disposées à travailler en équipe.
Inversement, les personnes qui possèdent une forte estime de soi, et qui se laissent par conséquent moins influencer par ce que pensent les autres, seront plus à même de s’ouvrir des portes et d’accepter des projets qui les mettent au défi, parce qu’elles croient en leur potentiel ; mais elles se révéleront plus individualistes et moins portées sur l’apprentissage.
Bien comprendre ces mécanismes peut s’avérer déterminant lorsque l’on se trouve face à un candidat.
1.2 Le talent
Un autre élément à prendre en compte lorsque l’on parle de conscience de soi est la perception qu’une personne a de son talent.
Aujourd’hui, nous recherchons tous le « talent », mais ce mot recouvre en fait différentes significations selon l’interprétation qu’on lui donne.
Dans le milieu des ressources humaines, nous l’employons souvent au sens de compétences, de savoir-faire. Mais cet usage n’est pas tout à fait correct. Le talent, d’après la définition du dictionnaire, est une aptitude, une disposition naturelle. Ce qu’une personne sait faire est donc une conséquence de son talent, mais ne se confond pas avec lui.
Alors attention, chers recruteurs : lorsque vous dites que vous recherchez un « talent », c’est-à-dire une personne capable de faire quelque chose, vous pouvez vous retrouver face à un candidat qui comprend le mot « talent » comme dans le Larousse, c’est-à-dire comme une inclination naturelle, potentiellement à l’état brut et devant encore prendre forme.
Cela doit aussi vous amener à réfléchir : la personne en face de vous possède-t-elle le véritable talent ?
En d’autres termes, a-t-elle les atouts et l’enthousiasme nécessaires pour se former une fois qu’elle aura intégré l’entreprise ?
Les personnes passionnées peuvent manquer de confiance en leurs capacités, mais être très motivées pour apprendre.
Celles qui possèdent le « talent » uniquement dans le sens de « savoir-faire » peuvent être très sûres de leurs compétences et opérationnelles immédiatement, mais aussi peu enthousiastes à l’idée d’apprendre sur le long terme.
Le recruteur qui se posera ces questions et qui en comprendra les réponses disposera d’un très bon indicateur pour opérer des choix éclairés.
Les bases théoriques étant posées, passons maintenant à l’aspect pratique.
Nous avons demandé à ceux qui rencontrent chaque jour des candidats quelles sont les stratégies concrètes qu’ils adoptent pour aller au-delà des apparences et comprendre ce qui se cache derrière une attitude donnée.
Nous laissons donc la parole à notre chasseuse de têtes Clara Chatagner.
« Identifier les cas où il y a un décalage entre la façon dont un candidat se perçoit et ses compétences réelles fait partie de notre travail. Gratter sous la surface pour voir ce qui s’y cache est l’un des grands défis et l’une des grandes valeurs ajoutées du spécialiste des ressources humaines.
Comment évaluer de manière objective les candidats qui se dévalorisent et ceux qui, au contraire, s’encensent ?
Il existe deux stratégies qui peuvent être utilisées à deux stades différents du processus de sélection.
Tout d’abord, il y a une phase préliminaire, qui correspond à ce que l’on appelle « l’entretien exploratoire », qui précède la rencontre avec l’entreprise et le supérieur hiérarchique.
On peut parfois se retrouver face à des candidats hésitants et peu sûrs d'eux , qui ne se sentent pas à la hauteur et n’ont pas une vision objective de leurs compétences. Ce qu’il est intéressant de faire dans ces cas-là, c’est de ramener la personne aux chiffres : se référer à des données objectives qui peuvent constituer un indicateur concret de sa performance. Et grâce à cette analyse, on découvre souvent que le candidat avait même dépassé ses objectifs, et que sa perception de sa valeur était complètement en décalage par rapport à ses résultats réels.
Le même argument peut être avancé pour les candidats qui surestiment leurs capacités réelles et se voient comme des professionnels de haut niveau. Ici aussi, vous devrez mettre la personne face à la réalité, notamment en la confrontant aux faits : « Cette année-là, par rapport à l’objectif que vous aviez, quels chiffres ont été réellement atteints ? ». Ce sont les chiffres qui montreront si le candidat est réellement compétent ou s’il a une confiance excessive en ses capacités.
Vient ensuite la phase ultérieure, où nous passons à un stade plus avancé du processus de sélection.
À ce moment-là, il peut être extrêmement révélateur de placer les personnes dans le contexte dans lequel elles devront travailler et leur faire rencontrer directement l’équipe dont elles feront partie.
Prenons l’exemple d’un développeur qui vient d’une petite équipe dans une PME et qui doit intégrer le service informatique d’une entité plus structurée. Il est clair que si dans l’équipe précédente, il avait le sentiment d’avoir des compétences techniques très élevées, lorsqu’il sera face à la nouvelle équipe, ses impressions seront relativisées.
Il en va de même pour la rencontre entre le candidat et le supérieur hiérarchique : une fois confrontée aux exigences de la hiérarchie, la personne qui se surévalue pourrait se modérer, et celle qui au contraire se dévalorise pourrait se rendre compte qu’elle a toutes les cartes en main pour produire de bons résultats dans le poste brigué.
Ces deux étapes sont très importantes : mettre le candidat face aux faits, d’abord en commentant des données concrètes, puis en le confrontant à sa future équipe et à ses futurs responsables, constitue l’une des méthodes les plus efficaces pour qu’il réévalue de manière objective la perception qu’il a de lui-même. C’est aussi, et surtout, un outil qui nous permet à nous, chasseurs de têtes et responsables des ressources humaines, de prendre des décisions éclairées, fondées sur des éléments tangibles.
Aller au-delà de l’attitude d’un candidat est ce qui fait vraiment la différence dans le placement permanent d’un profil. »
Au terme de cette analyse, nous pouvons affirmer que votre pouvoir en tant que responsable des ressources humaines est unique dans l’entreprise. Et nous vous expliquons pourquoi.
Une enquête de Leadership IQ, menée auprès de 1 400 responsables des ressources humaines, a révélé que l’attitude d’un candidat lors d’un entretien est un indicateur clé de ses futures performances dans l’entreprise. L’étude montre également que, contrairement à ce que l’on pense, la principale raison de l’échec d’un recrutement n’est pas le manque de compétences techniques. 89 % des problèmes de performance des nouvelles ressources proviennent d’une attitude inadaptée aux valeurs de l’entreprise et non d’un déficit de compétences.
Lorsqu’un recrutement échoue, c’est généralement à cause de cinq raisons principales, ici classées par ordre d’importance :
On voit tout de suite que les compétences techniques occupent le bas du classement. Elles sont largement dépassées par de nombreuses compétences liées à l’attitude.
Et la raison en est très simple : l’évaluation de la perception de soi du candidat est souvent négligée dans le processus de sélection et cette négligence conduit à intégrer dans l’entreprise des ressources qui semblaient convenir en apparence, mais qui se révèlent inadaptées.
Toujours selon l’enquête de Leadership IQ, 82 % des responsables RH ont déclaré qu’avec le recul, ils auraient pu comprendre que le candidat ne correspondait pas aux besoins de l’entreprise s’ils avaient tenu compte des signaux d’alerte apparus lors de l’entretien. Pourquoi ces signaux ont-ils été ignorés ? Parce que, d’après eux, ils étaient trop focalisés sur l’évaluation des compétences techniques.
C’est vraiment dommage, et ce d’autant plus que pour évaluer les compétences techniques, il est possible de faire appel à des conseillers techniques externes , avec d’excellents résultats. Mais quand il s’agit d’interpréter correctement l’attitude des candidats, les spécialistes des RH restent imbattables.
C’est le message que nous souhaitons vous transmettre aujourd’hui : vos qualités d’empathie, essentielles à votre rôle de RH, doivent vous permettre de percer la carapace du candidat et de comprendre s’il s’intègrera à la culture de votre entreprise d’une manière qui vous soit mutuellement profitable. En allant au-delà de l’évaluation traditionnelle des compétences techniques et professionnelles et en vous concentrant sur l’évaluation de l’attitude, vous pouvez changer le paradigme dans lequel vous inscrivez votre mission de RH et vous positionner comme un élément véritablement central et irremplaçable de l’entreprise.