Retenir les effectifs, dès le tout début. En fait, avant même qu’ils ne commencent à travailler dans l’entreprise. C’est la grande problématique actuelle.
On s’interroge toujours sur les moyens de retenir les talents à long terme, mais le problème ne se situerait-il pas à l’origine ? Et si l’enjeu était plutôt de ne pas perdre les candidats, ou plutôt les personnes recrutées, dès les tous premiers moments de leur insertion en entreprise ?
C’est là qu’intervient l’onboarding, un processus qui ne doit pas être négligé et qui nécessite une planification structurée afin d’intégrer la personne qui vient tout juste d’être recrutée dès le moment où elle dit « oui » et signe la lettre d’engagement.
Ce moment marque le début d’un parcours qui nécessite la participation de différentes équipes et l’utilisation d’outils empruntés à d’autres services.
Un parcours que nous allons retracer pas à pas, de manière concrète.
C’est parti.
Nous allons partir d’une définition qui pourra sembler insolite.
Celle de « rite de passage ». L’encyclopédie Universalis nous apprend qu’un rite de passage est un cérémonial codifié qui marque la transition d’un état social à un autre, autrement dit qui acte le changement de position qu’occupe un individu dans la société, du rôle qu’il y tient.
Vous notez la ressemblance ? L’onboarding en entreprise correspond exactement à cela : au moment où le nouveau salarié passe de « personne qui vient de signer un contrat » à « membre actif d’une organisation ».
Il s’agit donc plus précisément d’un changement de statut.
Ce « rite de passage » comprend deux dimensions :
Il est évident qu’un processus d’une telle ampleur ne se fait pas en un jour, ni même en une semaine.
Cela nécessite une planification solide, pensée dans les moindres détails (si vous souhaitez passer directement aux actions concrètes à mettre en place, rendez-vous au point 3).
Mais pour « embarquer » le talent sans le perdre en route, il faut un onboarding efficace, qui accompagne le passager de la manière la plus accueillante possible afin qu’il se sente le bienvenu dès ses premiers pas sur le quai, puis sur la passerelle du navire.
Ainsi, il ne suffit pas d’accueillir le salarié le premier jour, il faut entamer le processus avant même l’embarquement du passager, quand il attend encore sur le quai, billets en main.
Nous faisons référence à la dernière étape du recrutement.
Un de nos articles publiés récemment commençait par ces mots : « Attendre le premier jour de travail du nouveau salarié pour l’insérer, c’est déjà prendre du retard sur le planning ».
Provocateur ? Peut-être, mais pourtant vrai.
Il arrive de plus en plus souvent qu’un candidat se volatilise entre le moment où il signe la lettre d’engagement et son premier jour effectif dans l’entreprise. « Lettre d’engagement » est une jolie formule quand on y pense : elle renvoie à la parole donnée, que l’on s’engage, justement, à respecter.
Pourtant, si vous êtes RH, il vous est peut-être arrivé de perdre un talent précisément au cours de ce laps de temps.
La raison est simple : le candidat n’est pas encore réellement investi vis-à-vis de l’entreprise et, par conséquent, s’il se retrouve avec plusieurs offres, il n’aura guère de scrupules à accepter celle qui lui paraît la plus avantageuse.
Tout comme les Limbes de Dante, il s’agit d’un moment de "suspension", pendant lequel la personne a déjà été recrutée mais n’est pas encore un membre actif de l’organisation.
Elle n’a donc pas commencé à "agir" ni, surtout, à "être" dans l’entreprise.
Alors, comment procéder ? Il faut l’insérer de manière ordonnée. L’onboarding commence déjà lors de la dernière phase du processus de recrutement.
C’est une idée qui ne s’est pas toujours manifestée par le passé, mais elle est aujourd’hui essentielle.
Il ne peut y a voir de stratégie de recrutement efficace si l’on relâche les efforts dans la dernière ligne droite.
Une fois que l’on a posé les bases lors de cette première étape, il est possible de définir les phases ultérieures de l’onboarding de manière encadrée, afin d’intégrer la personne jusqu’à son troisième mois dans l’entreprise.
Examinons maintenant comment se déroule l’onboarding, étape par étape.
Sur le schéma ci-dessous, vous pouvez voir le calendrier complet du processus d’onboarding, ainsi que les actions pratiques à mettre en œuvre dans chaque phase : de la signature au premier jour au bureau ; lors des quatre premières semaines d’intégration ; et enfin, pendant les deuxième et troisième mois.
À chaque étape, il faudra réaliser un certain nombre d’actions concrètes que nous allons maintenant exposer en détail.
Il faudra travailler sur deux aspects, représentés par deux couleurs différentes :
1. Commençons par le premier aspect, l’engagement (encadrés roses sur le schéma).
Il faudra plus particulièrement se concentrer sur cette partie entre le moment de la signature et la troisième semaine d’intégration du nouveau salarié.
Nous avions déjà exposé dans un précédent article les mesures détaillées à mettre en place pendant la phase de « Limbes ». Nous les incluons également ici par souci d’exhaustivité, en suivant le déroulement chronologique.
Nous y sommes : le nouveau collaborateur attend sur le quai, billets en main, et s’apprête à embarquer sur le navire (l’entreprise). Il est à ce moment-là crucial d’éviter qu’il ne soit attiré par d’autres destinations et d’autres bateaux amarrés dans le port.
Le tout premier enjeu consiste donc à faire en sorte qu’il se sente déjà « chez lui », même à distance.
C’est la première condition pour ne pas le perdre en route : créer dès le départ un sentiment de proximité avec l’entreprise, avec ses collègues, l’équipe avec laquelle il va travailler.
Pour y parvenir, plusieurs moyens peuvent être mobilisés :
- Lui envoyer une lettre de bienvenue avec une photo de l’équipe, pour qu’il se sente tout de suite accueilli ;
- Lui présenter l’équipe avec laquelle il va travailler, si c’est possible. Cela peut se faire en visio ou même en personne si l’occasion se présente. Cela permettra de tisser un lien qui sera difficile à rompre si une autre entreprise lui fait également une offre d’emploi ;
- Lui faire parvenir des documents écrits ou vidéo présentant, par exemple, la vie de l’entreprise, ses valeurs, les projets qu’il aura à gérer, etc.
- Lui envoyer des supports d’information pour le préparer au premier jour. Chez Reverse, par exemple, nous envoyons un « kit de démarrage » contenant des tutoriels vidéo pour se familiariser avec les logiciels internes, ainsi que des documents d’information sur la vie au sein de notre entreprise. Ainsi, la personne qui se présente au bureau le premier jour est déjà préparée, elle ne se sent pas perdue.
- Lui demander d’envoyer une photo et des éléments d’identification qui seront utilisés pour se connecter aux dispositifs de l’entreprise.
Toutes ces mesures présentent un double avantage : elles sont faciles à mettre en œuvre tout en exerçant un fort impact. Une autre entreprise qui voudrait recruter le candidat aura du mal à rompre le lien qui se sera déjà créé entre lui et l’entreprise.
Sans compter que mener ce type d’actions dès les premières phases est un bon moyen d’atténuer la gêne et l’appréhension typiques du premier jour en entreprise. Le nouveau collaborateur va arriver dans un environnement qu’il aura déjà l’impression de connaître, ce qui est loin d’être négligeable.
C’est à ce moment-là (quand, enfin, le nouveau salarié monte à bord) que doit se confirmer l’impression d’être « chez soi » créée au cours de la phase précédente.
Il ne suffira donc pas de serrer la main à la personne et de lui faire un sourire. En revanche, vous pourrez l’accompagner pour faire le tour de l’entreprise afin de lui présenter les locaux et ses collègues, dans tous les services ; vous pourrez ensuite prévoir un déjeuner de bienvenue avec ses supérieurs et l’ensemble de son équipe, ou toute personne avec qui il sera amené à collaborer étroitement.
L’objectif est le même : renforcer le sentiment de « familiarité » créé lors de la phase précédente, en faisant en sorte que l’individu se sente non seulement accueilli et à l’aise, mais également déjà intégré à une organisation dont l’ambiance reflète les valeurs.
La première semaine marque l’entrée d’un personnage clé de l’onboarding : le buddy. Le terme « buddy » signifie littéralement « copain », « compagnon ».
Il s’agit d’une personne légèrement plus haut placée que celle qui vient d’être recrutée et qui peut occuper un poste différent. Pour le salarié qui vient tout juste d’arriver, il s’agit en fait d’un soutien, de quelqu’un qui va l’aider à s’intégrer dans l’entreprise.
Plus que n’importe quel autre collègue, le buddy lui transmettra les valeurs de l’entreprise et répondra à ses questions, même les plus gênantes. Le buddy sera un référent pour le nouveau collaborateur, afin qu’il ne se sente jamais seul.
C’est au cours de cette période que le nouveau salarié s’insère réellement dans le tissu de l’entreprise, qu’il commence à jouer un rôle véritablement actif. Il est très important à ce stade de lui faire sentir qu’il compte aux yeux de l’entreprise, en plus de lui faire connaître plus en profondeur l’organisation.
Il sera donc utile d’organiser des réunions de rencontre avec la direction : avec le DG par exemple, afin que le nouveau collaborateur perçoive le côté humain des personnes à la tête de l’entreprise. Il sera également intéressant d’organiser des rencontres avec tous les membres de l’équipe RH, qui sont les interlocuteurs de référence des collaborateurs au sein de l’organisation.
Ces rencontres ont un double objectif : renforcer le lien entre le nouveau salarié et l’entreprise ; et lui montrer que les membres de l’entreprise ont conscience de sa valeur, qu’ils misent sur lui et s’intéressent à son histoire.
2. Passons maintenant au second aspect, qui relève de la dimension « savoir-faire » (encadrés gris sur le schéma).
Le feedback constructif est un élément crucial de cette phase. Il sera la boussole qui va orienter le nouveau salarié dans un nouveau territoire d’activités. Ce processus se divise en plusieurs étapes, réparties tout au long du calendrier :
L’objectif est qu’à la fin de la période d’insertion de trois mois, le salarié puisse affirmer avec certitude et enthousiasme qu’il est disposé à rester, et que le salarié et l’organisation puissent se choisir mutuellement.
Ce que nous avons dit au début de notre article, à savoir qu’il est essentiel d’encadrer le processus et de ne rien laisser au hasard, devient donc encore plus évident.
L’onboarding nécessite la participation non seulement de l’équipe RH, mais aussi des responsables d’équipe, de la direction et des autres départements.
Et pour que la communication soit fluide entre tous les acteurs, pour que chacun soit toujours parfaitement informé des différentes étapes du processus, nous disposons d’une aide précieuse : les outils de l’expérience utilisateur (UX) et les professionnels du domaine.
Allons encore plus loin dans la démarche, en optimisant le processus à l’aide des outils de l’expérience utilisateur, et ce dès la dernière étape du recrutement.
En effet, le but de l’UX est de concevoir des produits et des services qui améliorent l’expérience du consommateur, en partant des besoins de l’utilisateur final, afin de faciliter sa vie au quotidien.
Pourrait-il y avoir un objectif plus proche de celui des RH ?
La logique s’est donc inversée : on part d’abord des besoins du salarié, avant ceux de l’entreprise. Et sur cette base, on identifie comment procéder pour optimiser le processus dans une perspective centrée sur le salarié.
Nous avons directement testé cette approche au sein de Reverse : pour optimiser le processus d’intégration, nous avons créé une équipe transversale à laquelle ont participé, en plus du département des ressources humaines, notre équipe interne chargée de l’expérience utilisateur, des managers, la direction et d’autres services de l’entreprise.
Au moyen d’outils UX, nous avons interrogé nos collègues afin d’intégrer leur point de vue à celui de l’entreprise. Ensuite, nous avons adopté une démarche scientifique pour analyser et optimiser chacune des actions déjà mises en place par le service RH.
Le recours aux outils et principes du design a été très utile pour favoriser la création d’une conscience commune partagée par toutes les équipes impliquées dans le processus d’intégration, ce qui a facilité leur collaboration pour l’optimiser. Cela a permis d’identifier avec plus d’efficacité les points à améliorer et les solutions à y apporter.
Dans le détail :
- Nous avons utilisé une « journey map », c’est-à-dire une cartographie du parcours de l’onboarding, en décrivant toutes les étapes, depuis le moment de la signature à la fin de la période d’essai. Cela a permis à chaque membre de l’équipe d’identifier les différentes composantes opérationnelles du processus et d’y avoir accès facilement.
- Nous avons recueilli des remarques et des idées d’amélioration par le biais d’activités de recherche, en nous entretenant avec nos utilisateurs finaux, c’est-à-dire les nouveaux Reversers qui avaient récemment achevé leur onboarding.
- Nous avons organisé plusieurs sessions de co-design au sein de l’équipe transversale, en travaillant tous ensemble pour identifier les changements nécessaires à apporter au processus.
- Enfin, nous avons créé un système de feedback structuré par le biais d’une enquête envoyée à tous les nouveaux salariés, afin de suivre en continu la qualité et l’efficacité de l’onboarding que nous avons conçu.
Cette collaboration a donné lieu à un projet de People Design qui a permis d’optimiser le processus d’intégration des nouveaux salariés, à chaque étape, et ce dès la phase de « Limbes ».
En intégrant le point de vue des collaborateurs et de l’équipe transversale de l’entreprise, nous avons pris conscience d’un élément très important : le premier temps de l’intégration, qui, comme nous l’avons dit, correspond à la dernière phase du recrutement, est crucial parce que l’on agit en parallèle sur deux niveaux.
Il y a d’abord un premier niveau de contact entre l’entreprise et le nouveau salarié : ce sont toutes les activités que nous avons évoquées précédemment, qui visent à maintenir l’« enthousiasme » de la personne.
Il y a ensuite un niveau parallèle, « souterrain » : il concerne toute la préparation nécessaire pour faire de l’onboarding un succès.
C’est en effet au cours de la dernière phase du recrutement que les RH et les autres services concernés peuvent commencer à mettre en place des mesures pour organiser l’ensemble du processus :
En résumé, cette première période est essentielle, non seulement pour susciter l’implication du candidat avant même qu’il ne rejoigne l’entreprise, mais aussi pour poser les bases de tout le processus à suivre, en évitant de le perdre à la fin de la période d’intégration de trois mois.
Nous l’avons dit au début de cet article : plus encore que d’attirer les talents, l’enjeu aujourd’hui est de les recruter et de les retenir.
Si l’on a beaucoup parlé ces dernières années de l’attraction des talents et de l’image de marque de l’employeur, et de l’importance de les optimiser en faisant collaborer les services RH et marketing, nous pouvons aujourd’hui aller plus loin.
Nous pouvons utiliser les outils de l’UX design pour identifier comment retenir les talents, pas seulement les attirer. Pour y parvenir, nous partons des talents eux-mêmes : de ce à quoi ils aspirent pour se sentir réellement intégrés. Pour qu’ils puissent dire « Oui, j’ai signé le contrat avec la bonne entreprise ! » et ensuite « Je suis convaincu de vouloir rester dans cette société ».
Les RH ne font pas de miracle et les facteurs externes pour lesquels une personne peut être amenée à quitter une entreprise au cours des premiers mois sont nombreux et imprévisibles.
Ce qu’il est en revanche possible de prévoir, ce sont les facteurs internes, ceux qui proviennent directement de l’organisation.
Une fois ces facteurs identifiés, travailler tous ensemble pour les prévenir et y apporter des solutions sera la clé pour s’assurer que les passagers montent à bord et restent sur le navire.